III - Les émotions : générateurs de pleurs

Le larmoiement est une réaction du corps humain dirigé par le système nerveux. Ce dernier se divise en deux parts :
  • le système nerveux central, composé de l'encéphale (dans le crâne) et de la moelle épinière (dans le canal vertébral). On pourrait le comparer à la "tour de contrôle" du corps humain.
  • le système nerveux périphérique, formé des ganglions et des nerfs. Il permet les échanges d'information entre les organes et le système nerveux central, soit l'influx nerveux.
Le système nerveux contrôle alors les actions et les sensations, mais également la mémoire, la pensée et les émotions, plus propre à l'être humain.
Les larmes sont toujours, qu'elles soient dues à une agression ou à une émotion, le fruit d'une réaction nerveuse transmise par les neurones, cellules spécialisées du système nerveux.

A - Le système nerveux : centre des émotions

Avant d'aller plus en profondeur, nous commencerons par définir la chose suivante: qu'est-ce qu'une émotion ?


" Les émotions sont des réactions complexes qui engagent à la fois le corps et l’esprit. Ces réactions incluent un état mental subjectif, tel que la colère, l’anxiété ou l’amour, une impulsion à agir, tel que fuir ou attaquer, que cela soit exprimé ouvertement ou non, et de profond changement dans le corps, tel qu’une augmentation du rythme cardiaque ou de la pression sanguine. Certains de ces changements corporels préparent à des actions d’adaptations soutenues. D’autres - tels que les postures, les gestes et les expressions faciales - communiquent aux autres ce que nous ressentons ou ce que nous voulons que les autres croient que nous ressentons. " (traduction de Lazarus et Lazarus, p.151)


En résumé, une émotion est une sensation plus ou moins nette de bien-être ou de mal-être qui comporte un aspect mental (le ressenti) et un aspect physique (manifestations physiologiques telles que la variation du rythme cardiaque, la dilatation des pupilles, le dessèchement/transpiration...).

Attention cependant à ne pas confondre sentiment et émotion. En effet, le sentiment ne soumet pas une manifestation réactionnelle mais un cumul de sentiments peut engendrer des états émotionnels.

1 - La transmission des messages nerveux

Lors de la perception d'un phénomène extérieur, à cause de l'influence d'un milieu, ou simplement par réflexe (comme pour les larmes), plusieurs messages nerveux électriquement chargés se déplacent à l'intérieur du système nerveux. Ces messages sont acheminés par les neurones vers des récepteurs. Ce sont ces interactions complexes qui nous font accéder aux pleurs.

Deux types de cellules forment notre système nerveux :
  • les cellules gliales : elles entourent les neurones, leur fournissent des nutriments et éliminent leurs déchets. Elles leur sont essentielles de toute part.
  • les neurones : ce sont des cellules comme les autres, composées d'un noyau renfermant l'information génétique. Elles ont cependant cette particularité de transmettre les messages nerveux grâce à leurs prolongements (aussi appelées fibres nerveuses). Parmi ces prolongements, on trouve les dendrites, qui reçoivent le message chimique du récepteur sensoriel, ainsi que les axones qui délivrent l'information au neurone suivant.
On pourrait voir ici un véritable réseau électrique composé d'une centaine de milliards de neurones.



Mais comment s'effectuent les échanges entre deux neurones ?
On parlera ici de synapse. Ce terme désigne la zone de transmission d'un message nerveux entre deux neurones. Cette zone se trouve à l'extrémité de la dendrite ou de l'axone. On peut ainsi la décomposer en trois parties : 

  • la cellule pré-synaptique : le premier neurone.
  • la fente synaptique : l'espace entre les deux neurones.
  • la cellule post-synaptique : le second neurone.
La cellule pré-synaptique est composé de mitochondries ainsi que de vésicules renfermant de nombreuses molécules appelées neurotransmetteurs. Après s'être soudés à la membrane du premier neurone, ces vésicules libèrent les neurotransmetteurs à l'intérieur de la fente synaptique. Ensuite, ces molécules vont se fixer à de grosses protéines se trouvant sur la membrane du second neurone : les récepteurs membranaires. C'est ce qu'on appelle la transmission synaptique. Celle-ci est à sens unique : il est impossible d'effectuer un même échange du second au premier neurone.
Les neurotransmetteurs peuvent avoir deux rôles différents. Ils peuvent être :
  • excitateurs et favoriser la propagation des messages nerveux dans le neurone post-synaptique.
  • inhibiteurs et s'opposer la transmission de l'information dans le prochain neurone.


2 - Le système nerveux végétatif : responsable des fonctions automatiques

Rappel de la composition de notre système nerveux :


Notre système nerveux se divise en deux autres systèmes : le système nerveux central et le système nerveux périphérique. Ce dernier se fractionne à son tour en deux grandes parties : le système nerveux somatique (n'ayant pas une grande importance dans les émotions) et le système nerveux végétatif (ou autonome).
Le système nerveux végétatif est responsable des toutes les fonctions automatiques et non soumises au contrôle tels la respiration, la digestion, la circulation du sang ou la transpiration. Il contrôle nos organes et est fondamental dans l'adaptation physiologique et comportementale de notre corps. Le système nerveux végétatif est comparé à une balance entre deux autres systèmes nerveux complémentaires : 

  • le système nerveux sympathique : il prépare le corps à une action, à une activité physique ou intellectuelle, intervient en cas de stress, de détresse, de peur... Il contrôle beaucoup de phénomènes réflexes comme la sécrétion d'hormones, le diamètre de la pupille, le poul, la fréquence respiratoire... L'activité de ce système nerveux est associée à deux neurotransmetteurs : la noradrénaline et l'adrénaline.
  • le système nerveux parasympathique : il permet de stocker et de restaurer l'énergie dépensée par son antagoniste, le système nerveux sympathique. Plus actif au repos ou pendant le sommeil, il instaure le calme dans notre corps en ralentissant l'activité des organes. Son activité est associée à un autre neurotransmetteur nommé acétylcholine.
Le tableau ci-dessous résume en quelques exemples l'activité de ces deux systèmes nerveux :


Le larmoiement provoqué à cause d'une irritation est du à la contraction des glandes lacrymales à travers le nerf crânien VII facial (il s'agit d'un nerf reliant les fibres parasympathiques aux glandes lacrymales) provoquée par le système nerveux parasympathique. Mais lors de pleurs émotionnels, le système nerveux sympathique entre également en jeu.
Cependant, lors d'une stimulation émotionnelle, l'action du système nerveux autonome ne suffit plus pour déclencher une réponse comme les larmes puisque les émotions sont aussi traitées par le cerveau.

3 - Le cerveau émotionnel : tour de contrôle des nos émotions

Un peu d'histoire...
Rappelez-vous : autrefois, beaucoup croyait à la théorie des humeurs selon laquelle le corps était constitué de quatre liquide à proportions différentes : le sang, le flegme, la bile jaune et la bile noire. Un homme contenant plus de sang était dit sanguin : il avait un caractère jovial, chaleureux, gai. Celui qui renfermait une grande partie de flegme était flegmatique, c'est-à-dire calme, imperturbable, gardant son sang-froid. Le colérique, majoritairement composé de bile jaune, est enclin à la violence et à la colère. Enfin, on appelait mélancolique celui qui portait essentiellement de la bile noire et était triste, chagriné et anxieux.
Autrement dit, les humeurs et les émotions n'étaient absolument pas perçues comme une fonction cérébrale !

C'est seulement à partir du XIXe siècle que l'on commence à sérieusement s'intéresser aux différentes parties du cerveau avec l'arrivée d'un patient très spécial : en 1853, le cortex préfontal de l'Américain Phileas Gage est traversé par une barre de fer (voir document ci-contre), laissant l'homme indemne ! Cependant, son comportement change : lui qui était habituellement sociable et calme devient instable, individualiste et parfois même violent. Ce cas hors du commun marque alors un grand tournant dans les neurosciences (qui est une science assez récente par ailleurs) dont les scientifiques commenceront à étudier les fonctions des différentes parties cérébrales.
Après les multiples recherches des scientifiques (autopsies sur des personnes atteintes de modifications comportementales, stimulations ou ablations de certaines parties cérébrales...), c'est en 1937 que Papez élabore un circuit neurobiologique des émotions, qui est d'ailleurs encore partiellement valable de nos jours. Enfin, c'est MacLean qui, au milieu de XXe siècle, émet une théorie débouchant sur le concept du cerveau triunique (ensemble relié formé de trois parties) composé du : 

  • cerveau reptilien : plus ancien de nos éléments cérébraux, contrôle l'ensemble de nos fonctions vitales (température, tension, respiration...).
  • cerveau limbique : siège de nos émotions et de notre mémoire.
  • néocortex : organisé en deux hémisphères cérébraux, développe le langage, la conscience, la capacité à apprendre, la pensée, l'imagination et la constitution de notre culture.
Les émotions dépendant de différents circuits neuronaux qui conduisent les uns vers les autres, on ne peut pas réellement caractériser une région du cerveau comme "centre des émotions". Le circuit des émotions est donc une chose complexe et difficile à élaborer mais les neuroscientifiques ont tout de même identifié quelques structures cérébrales se mêlant à l'acheminement des émotions.
La principale de ces structures est le système limbique. Celui-ci se trouve dans le cerveau limbique et est composé de cinq ensembles de neurones réliés :
  • le thalamus : il analyse le type d'information puis l'envoie vers le bon centre de traitement.
  • les amygdales : elles décodent les stimuli émotionnels et influent sur les réponses autonomes et hormonales. Elles sont très importantes dans les émotions et provoquent notamment la peur (Phileas Gage ne ressentait plus la peur puisque ses amygdales avaient été transpercées).
  • l'hypothalamus : il est chargé des fonctions réflexes comme la régulation de notre température ou de notre sommeil mais également de la régulation de l'hypophyse qui contrôle l'excitation.
  • l'hippocampe : il mémorise nos émotions et stocke nos souvenirs.
  • le cortex préfontal : il gère nos fonctions cognitives supérieures comme l'apprentissage. Il est connecté à plusieurs régions cérébrales contrôlant trois neurotransmetteurs fondamentaux dans la régulation de l'humeur (la dopamine, la noradrénaline et la sérotonine).


En résumé, toutes nos émotions sont contrôlées par un système gare-décodeur-traducteur-boîte de stockage-bureau cognitif respectivement associés au thalamus, aux amygdales, à l'hypothalamus, à l'hippocampe et au cortex préfontal.

B - Les émotions : sources de larmes

Les émotions se décomposent en plusieurs catégories. On trouve d'abord les sept émotions de base :
  • la joie
  • la tristesse
  • le dégoût
  • la peur
  • la colère
  • la surprise
  • le mépris
Les autres émotions sont dites secondaires et sont des mélanges des émotions de base. Par exemple, la honte est un mélange de peur et de colère. On peut aussi classer les émotions par leur positivité ou leur négativité.

1 - La joie : une émotion positive

Lorsque l'on rit, notre système nerveux sympathique libère des catécholamines dans le sang grâce aux glandes surrénales. Cette sécrétion est composée à 80% d'adrénaline et à 20% de noradrénaline. Ces deux composés sont synthétisés à partir d'un acide aminé : la tyrosine.
La noradrénaline provoque la contraction des vaisseaux sanguins et augmente l'activité du coeur et la pression artérielle. Quant à l'adrénaline, elle active et excite l'organisme. Ainsi, on observe que rire entraîne des effets simultanés sur le système nerveux sympathique et les glandes surrénales. Lors de l'activation de ces deux derniers, ils entraînent quasiment les mêmes conséquences sur le corps. Ainsi, les organes sont stimulés de deux manières différentes, ce qui explique pourquoi il est très simple de rire et pleurer en même temps.
La noradrénaline et l'adrénaline peuvent avoir plusieurs fonction différentes.
En effet, la noradrénaline est non seulement un neurotransmetteur important pour les émotions et l'apprentissage, l'attention ou le sommeil, mais elle est aussi libérée en tant qu'hormone pour augmenter la fréquence cardiaque. L'adrénaline, créée à partir de la noradrénaline, est libérée afin de répondre à une stimulation d'activité physique ou de stress. En tant qu'hormone, elle peut répondre à un besoin d'énergie. L'adrénaline

La noradrénaline




L'adrénaline

rouge : oxygène (O)
gris : carbone (C)
blanc : hydrogène (H)
bleu : azote (N)


2 - La tristesse : une émotion négative

La tristesse est une émotion douloureuse gérée par notre système nerveux qui peut être causée par de multiples raisons. Souvent, cette tristesse est accompagnée par d'autres réactions physiologiques : la boule au ventre, la gorge qui se noue, les mains qui tremblent, le coeur qui se serre... Et des larmes !
Cette émotion est suscitée par un manque d'enképhaline (molécule ayant des effets anti-douleurs et libérée par les vésicules synaptiques afin d'éviter la continuité d'un message douloureux) dans notre cerveau. Cette molécule est un neurotransmetteur dont, lors d'un fait grave, les récepteurs ne sont plus stimulés. Ceci entraîne l'inactivité de ces molécules ainsi que des modifications au niveau de la transmission synaptique du cerveau.
On remarque par ailleurs une forte analogie entre la morphine et l'enképhaline : en effet, leurs récepteurs post-synaptiques ont la même forme.


Un manque de ces molécules entraîne donc une tristesse plus ou moins forte. Par un balancement entre système nerveux sympathique et système nerveux parasympathique, les  larmes sont l'expression même de la tristesse. A moins d'être un comédien doué, pleurer est une action sincère qui traduit un appel à l'aide.


Finalement, une larme peut être versée à cause d'une émotion positive ou négative qui ont physiologiquement énormément de similitudes mais qui semblent en vérité totalement antagonistes.